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Non à la coupe des Ergots
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VISION MEDICALE
DE LA COUPE DES ERGOTS
A propos des ergots : vrai ou faux ?
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/smaller>L’ablation des ergots chez le très jeune chiot âgé de moins d’une
semaine n’est pas douloureuse.
/smaller>Faux.
La perception de la douleur est aussi intense chez le chiot que chez l’adulte.
Mais le chiot n’a que ses pleurs pour exprimer sa souffrance.
Lors de l’ablation des ergots, il est nécessaire que l’opérateur soit assisté
d’un aide dont le rôle est de tenir fermement les pattes arrières, que le chiot
essaie d’agiter dans tous les sens pour se soustraire à la douleur du scalpel.
Le chiot pousse des cris continus, aigus et stridents pendant toute
l’intervention, et l’éleveur attentif note des petits gémissements qui
persistent parfois plusieurs heures après l’intervention.
Chez le Bouvier Bernois, les ergots sont particulièrement développés. La plupart
des chiots naissent (comme de nombreux autres chiens de montagne, pour lesquels
la présence d’ergots est parfois obligatoire, comme le chien de Montagne des
Pyrénées) avec un ou deux ergots solidement attachés aux métatarsiens. Souvent,
il s’agit de véritables doigts, et l’opérateur doit parfois bien compter le
nombre de doigts pour repérer lesquels il doit amputer.
Il s’agit le plus souvent d’ergots, ou plutôt de doigts, articulés sur un os
métatarsien plus petit mais bien individualisé, et l’opérateur doit désarticuler
l’ergot en introduisant un scalpel, ou parfois des ciseaux, dans l’articulation
entre le métatarsien et la première phalange de l’ergot.
L’ablation des ergots est pratiquée dans la première semaine de vie du chiot. A
cet âge, l’anesthésie est délicate, sur un petit animal qui n’assure pas encore
son homéothermie de manière autonome, et les posologies, la toxicité ainsi que
la pharmacocinétique des produits analgésiques utilisés en médecine vétérinaire
sont très mal connus chez le nouveau-né. C’est pourquoi l’ablation des ergots
est pratiquée sans anesthésie et sans analgésie.
/smaller>L’ablation des ergots est utile : lorsqu’on laisse les ergots, ils
peuvent se casser et blesser le chien ; par ailleurs, les chiens dont on laisse
les ergots deviennent panards
Faux.
L’ablation des ergots est une coutume instaurée par les cynophiles lors de
l’instauration des standards, au XIXème et XX siècle selon les races.
Lorsque l’on observe attentivement des photographies anciennes de chiens de
montagne suisses, des premiers bouviers bernois photographiés par Albert Heim,
on note souvent la présence d’ergots aux pattes arrières.
Dans un but de standardisation, les cynophiles ont décidé que la présence
d’ergots était indésirable chez le Bouvier Bernois, le Leonberg ou le
Sarplaninac, alors que dans d’autres races, la présence d’ergots est
obligatoire, comme le chien de Montagne des Pyrénées ou le Berger de Beauce. Et
pendant des décennies, alors que l’on coupait des milliers de doigts à des
petits bouviers bernois, des éleveurs euthanasiaient à la naissance des
centaines de chiots Berger de Beauce parce qu’ils n’avaient qu’un seul des deux
ergots désirés…
Les ergots n’ont pas d’utilité particulière, mais ils ne sont pas non plus
gênants. Les blessures au niveau de la griffe (fracture, désinsertion au niveau
du lit de la griffe, arrachage, fente dans le sens de la longueur…), pouvant
parfois se compliquer en panaris, sont beaucoup plus fréquentes sur les griffes
des autres doigts, qui touchent le sol et sont donc plus exposés aux
traumatismes divers, que sur les griffes des ergots.
Il faut simplement penser, environ deux fois par an, à contrôler la longueur de
la griffe de l’ergot, et à la couper si elle a trop poussé, pour qu’elle ne
vienne pas blesser le petit coussinet de l’ergot si elle devient trop longue.
Certains ont avancé que la présence des ergots donnait un mauvais aplombs aux
postérieurs, en montrant du doigt le Berger de Beauce, dont les aplombs
postérieurs sont souvent plus ouverts.
C’est faux. La construction du chien ne dépend pas de la présence ou non
d’ergots, mais de la sélection. Dans certaines races, comme le Leonberg, dont
les éleveurs coupent aussi en général les ergots, il y a encore un travail de
sélection important à réaliser pour améliorer les aplombs postérieurs, souvent
serrés et panards, et cela n’a rien à voir avec la présence ou non d’ergots.
Notons aussi que l’environnement influe grandement sur les aplombs. Un chien de
montagne élevé sur du carrelage en appartement aura en général des aplombs
défectueux, mais il s’agit là d’un autre sujet…
Depuis plusieurs années, je refuse de pratiquer l’ablation des ergots, tout
comme l’amputation de la queue, des oreilles, des cordes vocales, ou chez le
chat des phalanges.
Si dans la race Bouvier Bernois on commence à admettre que la présence des
ergots n’est pas indésirable et qu’il faut les laisser s’ils sont présents (les
éleveurs n’aimant pas les ergots pouvant dans ce cas lutter contre leur présence
par la sélection), je suis malheureusement encore souvent confronté à des
situations délicates dans d’autres races où l’éleveur n’arrive pas à vendre ses
chiots avec des ergots, parce que les juges de race ne veulent pas les
confirmer.
Il est donc indispensable de faire reconnaître à l’ensemble des acteurs de la
cynophilie (clubs de race, vétérinaires, éleveurs), que l’ablation des ergots
est une pratique illégale … et d’un autre âge.
Sébastien Mirkovic, Docteur Vétérinaire
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Coupe ergot