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à la coupe des ergots

 

 

ASPECT LEGAL DE LA COUPE DES ERGOTS

 

Le comité de l’Association Française des Bouviers Suisses (AFBS) reste encore très réservé sur l’aspect légal de la coupe des ergots. Tout d'abord, il convient de faire un rapide rappel sur l'échelle des lois et règlements dans notre pays, en partant de celle la plus haut placée, jusqu'à la plus faible. Au dessus de toutes les lois, il y a le droit international avec les traités internationaux puis les conventions européennes. Vient ensuite le droit français avec au sommet, la Constitution française de la 5° République, puis les lois, les règlements et les conventions collectives. Les standards de race n'appartiennent à aucune des catégories citées précédemment et ne sont pas opposables aux juges de la République. Le standard de race n’a donc pas valeur de texte légal. Alors, quels textes donnent une réponse à la coupe des ergots ?

En premier lieu, la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie faite à Strasbourg le 13 novembre 1987 et signée par la France le 18 décembre 1996 en son article 10, que je rappelle :

 

« Article 10 – Interventions chirurgicales

Les interventions chirurgicales destinées à modifier l'apparence d'un animal de compagnie ou à d'autres fins non curatives doivent être interdites et en particulier:

- la coupe de la queue;

- la coupe des oreilles;

- la section des cordes vocales;

- l'ablation des griffes et des dents.

Des exceptions à cette interdiction ne doivent être autorisées que:
si un vétérinaire considère une intervention non curative nécessaire soit pour des raisons de médecine vétérinaire, soit dans l'intérêt d'un animal particulier;

- pour empêcher la reproduction.

Les interventions au cours desquelles l'animal subira ou risquera de subir des douleurs considérables ne doivent être effectuées que sous anesthésie et par un vétérinaire, ou sous son contrôle.

Les interventions ne nécessitant pas d'anesthésie peuvent être effectuées par une personne compétente, conformément à la législation nationale. »

 

La lecture de cet article en l'état, n'appelle aucune interprétation : toutes les opérations chirurgicales non curatives (réalisées aux fins de soins médicaux) sont interdites et le législateur européen cite les 4 opérations les plus courantes (oreilles, queue, cordes vocales griffes et dents) sans pour autant être limitatives.

la convention européenne fait des exceptions à cette règle générale :

- Des raisons de médecine vétérinaire, voulant dire que dans le cadre de soins particuliers à un animal, il faille lui retirer tel ou tel organe, tel ou tel membre comme chez l'homme l'amputation des jambes dans le cas des personnes diabétiques,

- Dans l'intérêt d'un animal particulier : le législateur européen utilise les termes UN animal et PARTICULIER. Sauf à vouloir interpréter UN ANIMAL PARTICULIER en UN GROUPE D'ANIMAUX PARTICULIERS comme par exemple une race, le législateur européen insiste sur le particularisme unitaire, donc le cas par cas. Il apparaît dès lors difficile de transgresser cette exception particulière en systématisation à la naissance sans connaître l'intérêt particulier de l'animal à ce moment là. Par contre, si plus tard, un chien venait à souffrir de ses ergots ou 5ème doigt, comme d'ailleurs d'un autre membre, le vétérinaire pourrait très bien effectivement procéder à l'amputation de cet ergot dans l'intérêt particulier de ce chien.

Cette convention européenne a été ratifiée par la France au terme d’un Décret n° 2004-416 pris le 11 mai 2004 et publié au Journal Officiel N° 115, page 8784, le 18 mai 2004. Dès lors, toutes les opérations chirurgicales à caractère non curatif, comme l’ablation des ergots entre autre, devenaient interdites à compter du 18 mai 2004, à l’exception de la coupe des queues, que le présent décret déclare ne pas approuver avec une réserve rédigée au terme dudit décret.

Cette interdiction de la coupe des ergots a été validée par la Société Centrale Canine (SCC) dans une réponse officielle adressée au Club des Leonbergs au terme de laquelle elle indique que l’ablation des ergots est interdite par la loi et que sa pratique actuelle n’était que le fruit d’une TOLÉRANCE. Cependant, la SCC n’a pas indiqué qui avait toléré cette pratique. En tout état de cause, la SCC, association loi 1901, n’a pas vocation en droit français à tolérer des pratiques contraires à la loi. Ce ne peut être que le fait du juge et plus particulièrement de la cour de cassation qui prendrait une jurisprudence constante. Il n’en est rien, et pour cause, aucune juridiction n’a encore été saisie de ce problème…. Peut-être cela arrivera-t-il prochainement.

Donc, la Loi française interdit la coupe des ergots.

Alors, et le standard ? Je crois qu’il faut faire un rapide historique du standard du bouvier bernois, race que je connais la mieux, sachant qu’on pourra transposer sans difficultés sur les autres standards de race, pour bien comprendre l’absurdité de la coupe des ergots. S’applique actuellement la 5° version du standard de race, version du 5 mai 2003 publiée par la FCI sous le N° 45. Il y avait eu précédemment 4 versions en 1907, 1910, 1973 et 1991. Dans le premier standard de la race en 1907, AUCUNE MENTION n’est faite concernant les ergots. Donc, les premiers bernois étaient équipés de leurs ergots. Dans la version de 1910, il est précisé « absence du double ergot souhaitable ». La FCI ne demandait donc pas l’ablation de l’ergot. Ce n’est qu’en 1973, c’est à dire très récemment, qu’il est précisé que « les ergots doivent être enlevés dans les premiers jours de vie ». On conviendra que cette position récente est sans rapport avec le prétexte fallacieux parfois avancé au terme duquel on laissait entendre que les ergots étaient coupés pour ne pas gêner le bouvier au travail. En 1973, il y a bien longtemps que le bouvier bernois n’était plus un chien de travail à proprement dit, qu’il était devenu un chien de compagnie et que la motivation de coupe des ergots n’était qu’esthétique. La version du standard de race de 1991 ne modifie pas la position de 1973 puisqu’elle dit « il faut procéder à l’ablation des ergots ». Ce n’est qu’en 2003, sous la pression européenne que le club suisse décide d’ajouter un alinéa au terme duquel il précise que l’excision des ergots ne peut être réalisée dans les pays où c’est interdit.

il convient enfin de donner une définition exacte de ce qu'est l'ergot telle que cette définition figure dans le dictionnaire encyclopédique des termes canins rédigé par M. Raymond TRIQUET (bible du cynophile), et peut-être effectivement devrions nous commencer pas ça : "l'ergot ne porte pas de tubercule dermique". Le tubercule dermique étant ce qui est communément appelé le coussinet. Comme le montre la photo de la petite patte arrière d'une petite bernoise née récemment, le 5ème élément de la patte porte un tubercule dermique; Ce n'est pas un ergot mais un 5ème doigt. Selon nos sources, plus de la moitié de ces 5èmes éléments seraient des 5èmes doigts mais dans les deux premières jours de vie du petit bouvier bernois ou tout autre chiot d'une autre race, personne ne regarde à ça."

On comprend bien dès lors, que ni la loi, ni l’histoire de la race, plaident en faveur de la coupe des ergots. Au-delà de la saisine du Conseil de l’Europe, seule une prise de conscience des membres des clubs de race et des éleveurs permettra de mettre fin à cette pratique barbare d’un autre temps, indigne d’un pays moderne garant du bien-être animal.

                                                                                                                      Patrick Rassat

                                                                                                      Éleveur de bouvier bernois

 

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